mardi 3 juillet 2012

Phoenix : welcome in "Sun City"

1er janvier 1960, devant son golf flambant neuf, son centre d'animation et ses 5 maisons d'expos, un homme est anxieux.
Del Webb, promoteur immobilier originaire de Californie joue gros. Ce professionnel aguerri en a pourtant déjà vu d'autres. Pendant et après la seconde guerre mondiale il s'est enrichi via des contrats immobiliers à grande échelle : camps d'internement pour les citoyens américains d'origine japonaise en 1942 à Poston, l'hôtel Flamingo pour le mafieux Bugsy Seagel à Las Vegas (avec qui il garda semble-t-il des liens d'amitiés et d'intérêt par la suite), quartiers résidentiels bas de gamme pour GI dans la région de Tucson en 1948, ... L'homme a de l'expérience, des relations dans tous les milieux et son groupe a les reins solides... N'importe la tension est là

En moins de sept mois, sur une large pièce de désert et de champs irrigué, à 12 miles du centre de Phoenix,
sa compagnie vient de créer le noyau de la première communauté de retraite active ("active retirement community"). Effaçant ici les traces de la ville abandonnée de "Marinette", le projet est très ambitieux. Il correspond à un concept nouveau, qui a connu d'autres essais dans le Sud des Etats-Unis, mais que personne n'a jamais esquissé à cette échelle.

La veille au soir, le 31 décembre 59, ses principaux directeurs ont refait les comptes. Le vice-président a demandé "How the hell I'm going to get a 30-year mortgage for a guy 60 years old ?", pensant à la journée du lendemain le directeur de projet a demandé "What if nobody comes up ?"

Durant les trois jours qu'ont duré le lancement de l'opération, plus de 100.000 personnes se sont déplacées et 237 maisons furent réservées. Plus de 50 ans après on parle ici de la "vision" de Del Webb et l'entité qu'il a esquissé ce jour là regroupe 40.000 habitants. Welcome to The Sun City.

Paul Hermann, le directeur exécutif, nous en explique les principes.
Les règles de base sont simples :
- dans chaque foyer, une personne au moins doit avoir plus de 55 ans
- aucune personne de moins de 19 ans ne peut vivre de façon permanente à Sun City
- les visites des petits enfants sont autorisées dans une limite de 90 jours maximum
- tout acquéreur de maison à Sun City devient un membre de la communauté des copropriétaires
- les copropriétaires ("home owners") sont en charge des codes et restrictions.

Sun City est une "town" et non une "city" ce qui implique qu'elle n'a pas de représentants élus. Cet ensemble urbain immense est donc une communauté autogérée destinées exclusivement au personnes âgées.

La particularité du concept tient dans la notion de "active retirement". Dans les autres programmations (comme dans le quartier voisin de Youngtown), l'entre-soit ne s’accompagnait pas d'activités communes. "There you'll just have to sit under your poarch and wait to die." résume Paul Hermann.

Avec ses 13 églises, sa synagogue, ses 16 centres commerciaux, ses 7 centres de loisirs (proposant une cinquantaine d'activités différentes), ses deux hôpitaux et ses 11 golfs (classe "executive" ou pas), l'ambition a été de créer ici un nouveau mode de vie pour un nouvel age de la vie. Dans cette "City of Volunteers" tout est bon pour générer la rencontre. Une citation du fondateur est présente partout "steel and lumber can make the buildings, but people make the community."

Les maisons basses sont réputées pour leur caractère totalement transformable (pas de porteur interne) et comme le vante le film promotionnel, la ville serait "One of the best value for your retirement money.
Le quartier n'est pas fermé, comme l'indique pourtant encore beaucoup de références, même si certains programmes immobiliers le sont. Les alignements de maisons dans de grandes rues circulaires et concentriques (qu’Alexander Mac Lean a fait connaître) sont accessibles librement. Les golfs sont installés en continuité des parcs ou des rues. Une noria de voiturette de golf électriques parcourt d'ailleurs le quartier. Des voies spéciales sont réservées à ce mode de déplacement local.

Ici tout le monde est âgé et les profils croisés sont parfois impressionnants de vitalité. Des sexagénaires achètent, transforment et vendent des maisons, des septuagénaires animent les centres de loisirs, des octogénaires golfent sans fin et des nonagénaires marchent à petit pas, en couple qui se tiennent la main.
Dans certaines familles, trois générations de retraités se sont succédées ici.

Dans ce quartier sans école, sans enfants, sans services sociaux, sans institutions publiques, les charges et impôts ont été réduits au minimum. Des sociétés privées s'occupent de l'eau et des déchets, le compté de la police et de la lutte contre le feu.

Pour beaucoup, Sun City est un projet égoïste. Ici un certain renoncement au vivre ensemble et à la citoyenneté, permet d'accorder aux habitants les plus bas tarifs de l'agglomération pour le golf.
Pour beaucoup, Sun City est un projet destructeur, consommateur d'eau et d'énergie au-delà du raisonnable.
Pour certains, Sun City est un succès car le concept de retraite ensoleillée et pas chère continue de séduire.
Pour d'autres, l'avenir de ce modèle est incertain. La crise des sub-primes a beaucoup impactée le marché local et les grandes enesignes commerciales rechignent à investir dans cet ensemble immobilier de niche.









PS : Paul Hermann évoque les visites qu'il a reçues et les voyages qu'il a réalisé pour présenter et défendre ce concept de vie. Dans le marché global qu'est celui de l'âge, ces ensembles s'appellent des "Silver town". En Asie, Chinois et Coréens s'intéressent. Politique de l'enfant unique et faible fécondité oblige, le sujet de l’accueil de la vieillesse dans la ville s'impose. Le rapport à la terre ne permettra (heureusement) pas d'appliquer un tel modèle en Chine. Mais pas de problème pour l’Amérique car conclut Paul Hermann : "We've got so much land here !"



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