Extraits de "Los Angeles: The Architecture of Four Ecologies" par Reyner Banham :
"Plus que tout autre aspect de la ville, ce que les autres métropoles auraient le plus de raisons d’envier à Los Angeles, ce sont les plages. De Malibu à Balboa, c'est une même plage de sable blanc qui s'étend presque continûment sur pas moins de 115 km. Elle est presque entièrement ouverte au public. [...] Los Angeles demeure la plus grande ville côtière du monde. [...]
Pourtant, [elle] n'est pas une ville côtière classique, c'est-à-dire découverte et conquise depuis la mer : elle a été fondée depuis l'intérieur et a mis très longtemps à devenir un port de quelque importance. A l'époque du chemin de fer, la ville se mit à avancer par bonds vers la mer, établissant tout au long du rivage les agglomérations secondaires qui sont à l'origine de son mode très particulier de croissance polycentrique. [...]
A Los Angeles, la plage est le seul endroit où les gens se retrouvent sur un pied d'égalité - une franc-maçonnerie des plages qui semble représenter une réelle alternative à la tendance générale au compartimentage. [...]
[La planche de surf] est le premier artefact fonctionnel et symbolique de ces plages, celles où commence l'histoire du surf californien. Comme presque tout le reste, d'ailleurs, c'est encore grâce à la Pacific Electric Railroad que ce sport parvint jusque-là : c'est elle qui dans le but de stimuler les déplacements pendant les week-ends, fit venir en 1907 le pionnier Hiberno-Hawaïen du surf, George Freeth, pour faire des démonstrations à Redondo Beach. [...]
Les planches concrétisent et résument la capacité de Los Angeles à inventer une imagerie stylsitique et à mobiliser pour la produire toute la panoplie des techniques modernes, à la fois visuelles et matérielles."
Venice Beach se trouve presque naturellement au centre du grand linéaire de sable fin décrit par Banham.
A première vue, seule la toponymie distingue les entités qui se succèdent le long du littoral. Ensuite, l'on comprend qu'ici comme ailleurs c'est l'ère d'influence et le mouvement de la population qui contribuent à la fabrique des lieux. La singularité de la "marque" Venice tient donc autant à son site qu'aux quelques tribus qui la pratiquent.
Sur le front de mer piéton, un habitué des lieux explique aux visiteurs d'un jour qui l'accompagnent :
"Here's the beach and all the craziness is over here."
Au bord de l'eau, quelques surfeurs et d’authentiques baigneurs se partagent une large bande de sable. Cet espace ne constitue pas la singularité de Venice. Tout se passe en effet après.
Une piste cyclable longe le sable. Hyper-saturée, un flot coloré de cycles en tout genre la parcourt continuellement.
Le long de la plage, une variété presque infinie d'activités sportives est répartie en autant d'alvéoles thématiques. Depuis le Pier jusqu'à la jetée de Santa Monica, les activités extérieures californiennes s'exposent dans toute leur variété : skate-board, beach-volley, tennis, jeu de paume, body-building, rollers. Autant de pratiques pour autant de profils, de l'adolescent longiligne et agile dans son skate-park jusqu'à l'athlète tatoué sous le panier de basket.
Des constructions diverses constituent le front de mer. Boutiques , villas haut-de-gamme, hôtels, condos neufs, bungalows anciens.
De récentes lois de l'état de Californie ayant légalisé l'usage de la marijuana "médicinale", un business joyeux (et accessoirement mafieux) s'est développé parmi les échoppes qui constituent une partie du fornt de mer.
Dans des boutiques thématiques, des médecins délivrent à qui le demande des prescriptions et fournissent les malades en herbe californienne. (Le récent, et plutôt bon film d'Oliver Stone, "Savages", la décrit d'ailleurs comme la meilleure du monde).
Comme souvent à Los Angeles, les sans-abris sont bien représentés et des silhouettes fantomatiques hantent aussi la bande littorale.
Après la Pacific Ave, un quartier résidentiel cossu s'organise autour de quelques canaux artificiels. Cet ensemble bien connu, qui a donné son nom à la plage, correspond à un projet immobilier ambitieux de 1905.
Cet emplacement exclusif regroupe quelque centaine de maison, bungalows californiens, maison de type néo-coloniale espagnole ou création architecturale contemporaine. Le caractère vénicien s'arrête à la gondole décorative installée sur un rond-point voisin et à l'odeur forte qui s'échappe l'été des canaux peu-profonds.
Le week-end, le quartier accueille un important trafic automobile. Parking et voirie saturée, horde de curieux qui observe depuis leur fenêtres.
Apparemment beaucoup de monde (et même nous) se verraient bien habiter ici.
An urban autopsy of the contemporary American city by two French architects spending several months in the US. Picking places, highways, buildings, parks, neighborhoods, docks or urban structures to build a universal urban grammar : our suburban collection. Une autopsie urbaine de la ville américaine par deux architectes français passant quelques mois aux États-Unis.
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