lundi 4 juillet 2011

Lower Ninth Ward

Le quartier du Lower Ninth Ward appartient logiquement au Neuvième Ward de la Nouvelle Orléans; la désignation "Lower" correspondant à sa plus grande proximité de l'embouchure du Mississipi (plus bas selon le fil de l'eau).
Par extension, ce terme de Lower peut se comprendre de différentes façons, et l'a d’ailleurs souvent été, des épisodes parfois dramatiques de son histoire.
Situé en dessous du niveau de la mer, le quartier n'existe que grâce au système des digues et a été inondé plusieurs fois au cours de son histoire; En 1965 avec l'ouragan Betsie qui ouvrit une brèche dans l'un des murs et plus dramatiquement le 29 août 2005 avec l'ouragan Katrina.
Installé à proximité du Port de la Nouvelle Orléans, le quartier accueillait traditionnellement des dockers et leurs familles. L'adoption des containers dès les années 70 sur le port eu pour conséquence une diminution des emplois induis et une forte augmentation du chômage dans le secteur. Le terme "Lower" pouvant dès lors connoter le niveau de vie plus bas de ce quartier résidentiel majoritairement noir.

Survint donc l'ouragan Katrina. Les vents eux-mêmes ne furent pas à l'origine des destructions. Les brèches qui s'ouvrirent dans les murs et les digues provoquèrent l'inondation de 80% de la ville par le fleuve et par le lac.
La panique qui s'en suivit (retard des ordres d'évacuation, désorganisation des services de police et de pompiers, manque de réaction du gouvernement fédéral) s'accompagna de crimes et délits divers. Les images des habitants les plus pauvres (et souvent noirs)de la ville prisonniers de leur maison en ruine ou entassés dans le Sperdome firent le tour du monde.
Par les débats qu'il a suscités, cet accident a mis en relief plusieurs enjeux.

Les manquements dans l'entretien des digues (conséquences des années de coupes budgétaires diverses conduites depuis les années 80 aux Etats-Unis) et l'absence coupable de réaction du pouvoir exécutif (différents graffitis lus sur les murs de la ville nous font comprendre que George Bush Jr. n'est pas populaire ici) ont illustré les conséquences possibles d'une certaine libéralisation des services publics et de la privatisation des risques. (La gestion de la station de Fukuchima par la société privée Tepco en fournit une autre démonstration.)
La catastrophe Katerina fournit également une référence en termes d'accident global et même d'accident climatique global puisque la violence de la tempête serait en lien avec le réchauffement de l'atmosphère. L'inondation majeure d'importants lieux de peuplement côtiers en étant une conséquence possible (la notion de "réfugié climatique" aurait été inventée ici).

Enfin, l'expérience en cours de la reconstruction de ce quartier est originale et fait figure de référence. A l'origine du projet quelques bonnes fées et une association. Les bonnes fées, rassemblées autour de la figure de l'acteur Brad Pitt, sont de généreux donateurs (évidemment privés) qui ont entrepris d'aider à la reconstruction de ce quartier. L'association fondée à cet effet "Make it Right" s'est ensuite fixé un double objectif : reconstruire à un prix abordable pour les anciens habitants et promouvoir par des conceptions écologiques innovantes l'habitat écologique aux Etats-Unis.
Cette initiative privée et associative venant palier à l'absence de politique globale sur ces sujets.

En ce matin du 4 juillet, la découverte du très calme Lower Ninth Ward suscite des sentiments étranges et mitigés.
La trame viaire de l'ancien quartier a été complètement dégagée et le GPS nous conduit bien sagement jusqu'à la Tennessee St depuis l'avenue Saint Claude et sa double rangée de magasins désaffectés. Le long des rues les installations sont variables, sporadiques et de nouvelles et pimpantes constructions écologiques bordent des habitations survivantes réhabilitées tant bien que mal, des lots vidés plantés de gazon ou des ruines en l'état cachée par la végétation.
Plus on s'éloigne de l'avenue et plus les installations se font rare. Dans les extrémités du quartier les grandes herbes bordent les chaussées défoncées par les racines. La reconstruction est encore partielle.
Dans les parties les plus neuves, le panorama urbain est plutôt riche et mis en valeur par des architectures originales et innovantes. Certaines maisons sont surélévées ou attendent sereinement la prochaine crue via des dispositifs ingénieux (les maisons-bateaux imaginées par Tom Mayne devraient tout simplement flotter autour d'une ossature centrale en béton).
Cet éco-quartier à l'américaine fait ici figure de village d'indien et les saluts amicaux de la population aux différents groupes de promeneurs photographes laissent poindre un début de fatigue.
Si les architectures sont innovantes, le mode d'installation des maisons semble avoir suivi la trame préexistante. Pas de recomposition foncière, pas d'invention d'espaces publics nouveaux (à l'exception d'une aire de jeu pour enfant financée par Kellog's), peu ou pas de jardins sur chacun des lots privés. La typologie du quartier a été reconduite.
Les plantations sont rares et si les grands arbres anciens qui ont résistés aux crues les rues reconstruites n'ont pas reçues de plantations nouvelles.
Pas ou peu d'ombre accueillante en cette chaude matinée.
Dans cette plaine entourée de digues et timidement colonisée par des case-study houses post-climatiques une question inonde l'espace : Fallait-il vraiment reconstruire ici ?







Lien : le beau travail de Cécile Leroux à la Nouvelle-Orléans dans le cadre de la Bourse EDF 2008.

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